Quand un dirigeant est confronté à des difficultés dans son entreprise, il ne sait pas forcément quoi faire ni vers qui se tourner.
Très souvent, il réagit trop tard, voire même il ne réagit et ce sont ses créanciers qui le font pour lui.
Les chances de redresser la barre sont alors très faibles.
Dans cet article, je vous propose une présentation des différentes procédures en fonction du niveau de difficulté de l’entreprise et les acteurs qui interviennent.
Je vous expliquerai ensuite les conséquences des procédures pour les créanciers et pour l’entreprise, en particulier le dirigeant.
Je terminerai par des stat : quelles sont les procédures les plus souvent utilisées et quelles sont les issues constatées.
Pour vraiment bien comprendre le contenu, je vous renvoie au Lexique des expressions les plus courantes dans cet article
Les différentes procédures
Mandat ad hoc
L’entreprise n’est pas en cessation des paiements.
Les difficultés sont directement liées à une cause déterminée mais c’est gérable. Ex : perte d’un homme clé, perte d’un marché, gros impayé.
Le juge désigne un mandataire qui négocie avec les créanciers. Les accords trouvés sont purement contractuels. Rien n’est imposé.
Cette procédure dure 3 mois, renouvelables plusieurs fois.
C’est une procédure confidentielle.
Le dirigeant reste maître à bord.
Conciliation judiciaire
L’entreprise n’est pas en cessation des paiements.
Ses difficultés sont d’ordre juridique, économique ou financier. C’est donc plus restrictif que le mandat ad hoc.
L’accord trouvé par le conciliateur peut être validé par le juge et s’imposer aux créanciers qui l’ont signé. Ils ont droit à des contreparties prévues par la loi.
La procédure dure 4 mois + renouvelable 1 mois. Elle est donc plus courte que le mandat ad hoc.
Comme précédemment, le dirigeant reste maître à bord et la procédure est confidentielle.
Sauvegarde
L’entreprise n’est pas en cessation des paiements.
Elle rencontre des difficultés financières qu’elle n’est pas en mesure de surmonter seule et a besoin d’une protection plus importante.
Cette procédure publique : le jugement est publié dans les annonces légales.
Dès l’ouverture de la procédure, les créanciers ne peuvent plus agir contre l’entreprise. Ils doivent déclarer leur créance et seront traités collectivement.
Le passif est gelé pendant la période d’observation ce qui permet à l’entreprise de se réorganiser pour dégager une rentabilité.
Le dirigeant reste maître à bord. Il est « surveillé » par un administrateur. Il peut être assisté dans sa gestion.
L’issue de la procédure est soit un plan d’apurement et de continuation, soit une conversion en redressement judiciaire.
Redressement judiciaire
L’entreprise EST en cessation des paiements depuis moins de 45 jours.
les effets sont identiques à ceux de la sauvegarde.
La grosse différence est que le dirigeant n’est plus seul maître à bord : il est assisté dans la gestion voire remplacer par un administrateur judiciaire.
Les issues sont :
- soit un plan de redressement/continuation avec un étalement des dettes, potentiellement des licenciements économiques, l’arrêt ou la cession d’une branche d’activité…
- soit une conversion en liquidation judiciaire s’il n’y a pas d’espoir de retrouver une rentabilité
Liquidation judiciaire :
La société est en cessation des paiements et il n’y a aucun espoir que l’entreprise se relève.
La liquidation produit les même effets que pour la sauvegarde et le redressement.
Le dirigeant n’est plus du tout maître à bord : c’est le liquidateur qui gère.
Sa mission est de liquider l’actif (vendre tout ce qui peut l’être) pour avoir du cash pour apurer le passif (payer les créanciers).
Les créanciers privilégiés sont payés d’abord (urssaf, trésor public, souvent la banque). Les autres sont payés, s’il reste quelque chose, au prorata de leur créance.
Le paiement des salaires est assuré par un fond spécial.
S’il n’y a pas assez d’argent pour payer tous les créanciers, la liquidation est clôturée pour insuffisance d’actif.
*Bon à savoir : Quand ça fait plus de 45 jours (un mois et demi) que le dirigeant n’a pas assez de cash pour payer tout ce qu’il doit payer et qu’il ne dépose pas le bilan au tribunal, il risque des sanctions pour faute de gestion.
Les acteurs des procédures
Le tribunal de Commerce
Il a un rôle essentiel et intervient lors de toutes les procédures collectives
Le tribunal ouvre la procédure, désigne les acteurs qui vont intervenir, donnes certaines autorisations, peut revenir sur les décisions du juge commissaire (en cas de contestation). En fin de procédure, il arrête le plan de redressement ou ordonne la liquidation judiciaire.
Le « Tribunal » n’est pas le juge. Le juge est une personne unique qui prend des décisions dans le cadre d’une procédure ouverte par le Tribunal. Quand on parle le « Tribunal », on parle en fait d’un regroupement de 3 juges qui statuent en forme « collégiale » sur un dossier.
Le juge commissaire
C’est donc un juge unique désigné par le tribunal qui aura pour mission d’autoriser certains actes de gestion (les actes « graves », très importants), et de surveiller la gestion de l’entreprise qui est faite par l’administrateur s’il y en a ou par le gérant directement.
Le juge commissaire tranche aussi les contestations qu’il peut y avoir au cours de la procédure.
Les décisions qu’il rend peuvent en général être contestée devant le Tribunal.
Le ministère public (= le Procureur)
Il peut solliciter l’ouverture d’une procédure, demander le remplacement d’un acteur, agir contre les dirigeants (en cas de faute de gestion par exemple), demander l’annulation de certains actes, etc. Il est là pour garantir la « moralité » des procédures
L’administrateur
Il est désigné par le Tribunal de commerce pour aider le dirigeant de l’entreprise placée en procédure collective.
Il peut avoir pour mission d’assister le dirigeant, de surveiller ses actes de gestion, voire même de gérer complètement à la place du dirigeant pendant la période d’observation.
Il prépare la sortie de crise (le plan de sauvegarde ou de redressement)
Le mandataire judiciaire
Il représente l’ensemble des créanciers : il identifie les créanciers, vérifie les créances et les enregistre dans le passif de l’entreprise. Il liquide l’actif c’est-à-dire que c’est lui qui décide (suivant des règles bien définies) quel créancier aura combien et quand.
Si un plan de redressement est adopté, il contrôle l’exécution (est-ce-que les créanciers sont bien payés comme prévu)
S’il n’y a pas de redressement possible, il devient liquidateur
Le liquidateur
C’est le mandataire qui devient liquidateur : il représente à la fois l’entreprise (il en devient le représentant légal) et il représente les créanciers. Il a pour mission de vendre les biens de l’entreprise pour récupérer du cash et le distribuer aux créanciers (dans la limite de ce qui est disponible)
Le Greffe du Tribunal de Commerce
Ce n’est pas un acteur à proprement parlé dans les procédures mais les personnels du greffe sont les 1er interlocuteurs du dirigeant qui se présente pour déposer le bilan
En cas de difficulté dans l’entreprise, je ne peux que conseiller de pousser la porte du Tribunal et de se présenter au Greffe pour être conseillé sur la procédure à suivre. Le plus tôt possible.
En général, ils sont sympas, accueillants, et ils ont l’habitude !
L’impact d’une procédure collective sur les Créanciers
Commençons par reprendre la base : un créancier c’est celui à qui l’entreprise doit de l’argent.
Il y a plusieurs types de créanciers :
- Les salariés : l’entreprise doit les salaires
- L’urssaf : l’entreprise doit payer des cotisations sociales
- Le trésor public : l’entreprise doit de la TVA, potentiellement des impôts
- La banque : l’entreprise doit rembourser des prêts
- Les propriétaires : l’entreprise doit payer un loyer (locaux, matériel en leasing…)
- Les fournisseurs : l’entreprise doit payer les factures pour des matières premières, logiciels, prestataires…
Suivant qui ils sont et la nature de leur créance, les créanciers n’ont pas tous les mêmes droits dans les procédures.
Quoiqu’il en soit, tous les créanciers sont confrontés à la règle n°1 des procédures collectives : la suspension des poursuites : à partir du jugement d’ouverture de la procédure, les créanciers n’ont plus le droit de poursuivre individuellement l’entreprise pour obtenir le paiement des sommes qui leur sont dues.
Si des saisies par huissier étaient en cours, elles sont suspendues. Si des procédures devant un Tribunal étaient en cours, elles sont suspendues. Elles pourront être reprises par le mandataire et/ou l’administrateur. Si une société de recouvrement était sur le coup, elle doit arrêter ses actions.
Tous les créanciers doivent se manifester auprès du mandataire. Ils doivent déclarer leur créance pour qu’elle soit prise en compte et comptabilisée dans le passif.
Le mandataire fera ensuite un plan d’apurement en fonction de la nature des créances : certains passeront en 1er, d’autres après.
Attention, cette règle de suspension des poursuites ne vaut que pour les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture.
Pour les créances nées après le jugement d’ouverture, le créancier doit impérativement se rapprocher du mandataire et surtout de l’administrateur. Pour faire simple, c’est lui qui décide si la créance peut être payée ou pas.
Pour qu’elle le soit, il faut qu’elle soit née « après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période ». Autant dire qu’il y a matière à contentieux alors on anticipe et on se renseigne avant de signer un contrat avec une société en procédure collective ! idem quand on a des contrats déjà en cours.
Bon à savoir :
Il y a un régime spécial pour les créanciers qui bénéficient de clauses de réserves de propriété sur du matériel (si le matériel n’est pas payé, ils sont toujours propriétaires et peuvent revendiquer ce droit). Idem pour ceux qui peuvent user d’un droit de rétention (ils ont un bien entre les mains et peuvent le garder jusqu’au paiement du prix).
Les conséquences d’une procédure collective sur l’entreprise.
Quand une entreprise est placée en procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation), il y a plusieurs conséquences communes.
La principale est l’interdiction de payer les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure.
Ensuite pour simplifier, il y a toute une série de documents à fournir à l’administrateur pour qu’il fasse l’inventaire du patrimoine de l’entreprise (son actif et son passif) et qu’il prépare ensuite le bilan économique et social de l’entreprise. Ce bilan précisera l’origine des difficultés, leur importance et leur nature.
C’est à partir de ce bilan et de la rentabilité de l’entreprise pendant la période d’observation que l’administrateur pourra donner son avis sur les chances de redressement de l’entreprise.
Une différence importante existe entre les 3 procédures : la marge de manœuvre du dirigeant dans la gestion de l’entreprise.
En sauvegarde dirigeant continue de prendre les décisions. Il peut toutefois être assisté par un administrateur. Ce n’est pas pour être surveillé. C’est surtout l’opportunité pour le dirigeant d’être conseillé dans ses choix, alerté sur les conséquences de certaines décisions, informé sur ses droits et obligations par un professionnel du droit et des chiffres
En redressement, le dirigeant peut être assisté ou remplacé dans ses fonctions de gestion par l’administrateur. C’est le tribunal qui décide en fonction des difficultés de l’entreprise.
En liquidation, le dirigeant est complètement mis à l’écart. C’est le liquidateur qui gère et qui représente légalement la société.
Statistique des faillites
En 2023, il y a eu près de 58 000 procédures collectives ouvertes.
- 1 500 sauvegardes (env 2% des procédures)
- 15 000 redressements (env 26% des procédures)
- 41 500 liquidations (env 71% des procédures).
Les entreprises les plus touchées sont les petites entreprises (TPE PME). Les secteurs du bâtiment et de la communication sont particulièrement impactés.
Le rapport complet sur le site suivant : Étude de défaillances et sauvegardes des entreprises en France – T4 et bilan 2023 – Altares
Ce qui est flagrant dans ces chiffres, c’est que les chefs d’entreprise réagissent trop tard, voire ne réagissent pas du tout, face à leurs difficultés.
Manque de compétences dans la gestion d’entreprise, manque de connaissances, manque de conseils, manque d’accompagnement, solitude du dirigeant… sont autant de raisons qui font que le dirigeant ne sait pas quoi demander et à qui pour l’aider.
Face à l’augmentation des prix, aux difficultés de recrutement, aux tensions de trésorerie, aux mutations profondes dans les métiers liés à l’IA notamment, le dirigeant est aujourd’hui confronté à des enjeux de taille.
Gérer une entreprise est un métier. Gérer une entreprise en zone de turbulence devient un art.
Une des clé de réussite : s’entourer d’experts ! CAP RECOVERY en fait parte pour l’accompagnement sur la prévention du risque client.